C’est par une très grande manifestation, qui a réuni environ une centaine de milliers d’altermondialistes, que la 11ème édition du Forum Social Mondial s’est ouverte, le 6 février 2011, à l’université Cheick Anta Diop de Dakar. C’était en présence de grandes figures du mouvement et du Président Evo Morales, de l’ex Président Lula et de la 1ère Secrétaire du Parti socialiste français, Martine Aubry.
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rnDeux jours durant, des dizaines de milliers des militants du mouvement social, venant d’Amérique latine, d’Europe et d’Afrique ont pris d’assaut le site du Forum. C’est à 14 h 30 mn que les activités de cette importante rencontre se sont ouvertes, sur une grande marche de tous les citoyens qui croient dur comme le fer qu’un autre monde est possible. Celle-ci a démarré devant les locaux de la Radio télévision du Sénégal, est passée par le Triangle sud et a pris fin à l’Université Cheick Anta Diop. Les personnalités du mouvement avaient déjà pris place au présidium, face à la bibliothèque centrale. Il s’agit du Président Evo Morales, du ministre brésilien Juberto Cavalo, du Coordinateur du FSM, Taoufik Ben Abdallah et de la Présidente du Forum pour un Autre Mali (FORAM), Aminata Dramane Traoré.
rnSitôt après l’allocution de bienvenue du représentant du Recteur de l’Université Cheick Anta Diop, Aloune Ndieye, le Médiateur de l’université, Boubacar Diop, a donné un aperçu du thème du Forum: «Les crises du système et des civilisations». C’est ainsi qu’il dira que le Forum mondial social de Dakar survient dans un contexte où les crises multiformes traduisent les faillites du système libéral, avec ses dérives dont les pays les plus démunis souffrent le plus: crise financière, crise alimentaire, crise énergétique, changements climatiques, violations des droits civiques, socio-économiques et culturels, chômage des jeunes, problèmes liés aux migrations d’hier qui viennent s’ajouter à ceux d’aujourd’hui, etc.
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rnEt Boubacar Diop de soutenir, qu’en Afrique comme ailleurs, ces problèmes restent liés au dérapage des politiques néolibérales prônées par les institutions internationales, au premier rang desquelles la Banque Mondiale et le FMI. Selon lui, ce système continue d’entraver le développement des États-providences, qui tardent à satisfaire les besoins de leurs populations.
rnIl conclura: «l’Afrique illustre l’un des plus grands échecs de trois décennies d’interventions des politiques néolibérales. En réaction, les mouvements sociaux et les citoyens du monde se joignent aux peuples africains, qui refusent de payer le prix des crises actuelles, dans lesquelles ils n’ont aucune responsabilité».
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rnLe Coordinateur du FSM, Taoufik Ben Abdallah , quant à lui, que l’arrivée sur l’échiquier mondial des puissances émergentes du Sud a fortement modifié l’équilibre du monde et cassé l’hégémonie des grandes puissances occidentales. Pour lui, cela pourrait constituer une opportunité pour les pays d’Afrique, qui devraient la saisir pour se tracer une voie. L’enjeu, a-t-il continué, est que l’Afrique doit profiter de cette nouvelle configuration du monde pour être partie prenante du savoir et de la technologie et promouvoir ses intérêts sur l’échiquier mondial.
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rnLe Bolivien Evo Morales a tout d’abord fustigé le capitalisme et, surtout, l’impérialisme nord-américain, avant d’insister sur la nécessité de protéger la planète: «Dans ce nouveau millénaire, nous avons l’obligation de défendre les droits de la Terre – mère pour défendre les droits humains. Avec les résultats obtenus par les chefs d’État et de gouvernement aux sommets de Cancun et de Copenhague, nous allons seulement continuer à réchauffer la planète de la même manière…» a estimé le leader bolivien. Il a alors appelé les responsables des pays du Sud à se mobiliser, ensemble, pour le prochain sommet des chefs d’Etat sur le changement climatique.
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rnAvant d’affirmer «pour refroidir la planète, il faut changer de modèle économique et de modèle de développement. Il faut en finir avec le capitalisme. Il faut que les puissances arrêtent de détruire la planète et l’environnement». Cette première journée s’est achevée sur différentes manifestations culturelles.
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rnDurant la journée du 7 février, le Forum Social Mondial est entré dans sa phase active. En marge de plusieurs activités, ateliers, conférences de presse et expositions, cette deuxième journée aura surtout été marquée dans la matinée par la rencontre entre la 1ère Secrétaire du Parti Socialiste français, Martine Aubry, et l’ancien président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, suivie de la passe d’armes entre le Président sénégalais Wade et le même Lula Da Silva.
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rnLa 1ère Secrétaire du Parti Socialiste français a créé un précédent en déclarant que le Président Wade était disqualifié pour la prochaine élection présidentielle de 20012. C’était dans les locaux de TFM (Télé Futurs Médias) du célèbre artiste Youssou N’dour, aux Almadies. La dirigeante du PS a ensuite rencontré Lula en marge du Forum, pour évoquer le prochain G20 et la nécessité d’un nouveau modèle de développement. Au début de cette rencontre, Lula a déclaré aux journalistes «pendant le G20, on dirait qu’il n’y a aucun problème. On n’y parle jamais de chômage». Et Martine Aubry d’ajouter: «on est en dehors de la réalité».
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rnA l’issu de leur entretien Martine Aubry a rapporté aux journalistes qu’il avait surtout été question du prochain G20, de la façon de travailler ensemble entre pays progressistes et des relations entre l’Amérique du sud et l’Afrique, avant d’ajouter: «l’Afrique commence à s’en sortir, ce que l’Europe a du mal à comprendre, mais que d’autres pays, comme la Chine et l’Inde, ont compris». Lula, selon elle, a la conviction qu’il n’y a pas aujourd’hui de leader dans le monde, surtout en Europe, capable de porter le changement. Il pense aussi que ce serait une bonne chose qu’il y ait une femme comme Dilma Roussef en France.
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rnL’autre rencontre, une véritable passe d’armes, a eu lieu dans l’après-midi entre le Président Wade et Lula da Silva à l’Université Cheick Anta Diop. Luiz Inacio Lula da Silva, a prononcé un long discours, offensif et résolument optimiste, assurant que l’ordre économique mondial ne serait plus façonné par quelques économies dominantes. «En Amérique du Sud, mais surtout dans les rues de Tunis et du Caire, et dans tant dans d’autres villes africaines, renaît l’espoir dans un monde nouveau. Des millions de personnes sont en mouvement contre la pauvreté &ag
rave; laquelle elles sont soumises, contre la domination des tyrans, contre la soumission de leur pays à la politique des grandes puissances» constatera-t-il.
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rnPour conclure, il dira: «très longtemps, les pays riches nous ont considérés comme des périphéries problématiques et dangereuses. Ceux qui, avec arrogance, nous donnaient des leçons sur la façon dont nous devions gérer notre économie n’ont pas été capables d’éviter la crise, née au centre du capitalisme du monde». Il a alors assuré que malgré tout, la politique mise en place au Brésil avait fait sortir 28 millions de personnes de la pauvreté.
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rnLe Président Wade, très décidé, échaudé par les propos tenus par les altermondialistes et surtout par la déclaration de Martine Aubry par rapport à sa disqualification pour l’élection présidentielle de 2012, a ensuite pris la parole. D’emblée il déclara qu’il n’était pas d’accord avec les altermondialistes, même s’il partageait avec eux l’idée de changer le monde, qui en n’en pas douter, se porte très mal. «Je suis partisan de l’économie de marché et non de l’économie d’Etat, qui a fait faillite partout ou presque dans le monde», a-t-il soutenu. Puis, d’un ton provocateur, il ajoutera: «depuis 2000, je suis votre mouvement et je me pose toujours la question, excusez ma franchise, est-ce que vous avez réussi à changer quelque chose au niveau mondial?».
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rnIl se retourna vers Lula pour ajouter: «Monsieur Lula a complètement changé le Brésil, tout le monde le sait, mais sur le plan international, je suis désolé».
rnPour conclure, il dira «l’Afrique a gagné. C’est un continent tolérant, mais je vous demande de me suivre dans ma façon de vouloir changer le monde. Le Sénégal est passé du statut de pays dépendant sur le plan alimentaire il y a quatre ans, avec 600.000 tonnes de riz importées par an, à celui de pays exportateur de riz, notamment vers la Chine». Il a, enfin, annoncé la tenue dans les prochains mois à Dakar d’une conférence internationale sur la gouvernance mondiale de l’agriculture.
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rnAu cours de nombreux débats du forum, des ONG ont mis l’accent sur l’accaparement des terres pratiqué en Afrique par des groupes étrangers et des Africains nantis. Le cas précis d’une compagnie libyenne ayant acquis 200.000 hectares au Mali et d’autres exemples en Tanzanie, au Ghana, au Mozambique, en Éthiopie et au Sénégal fut soulevé au nom d’Oxfam par le Sénégalais Lamine Ndieye.
rnPierre Fo’o Medjo
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